Biographie
UN FERVENT APOTRE DE L’OFS AU XXème SIECLE – REPERES BIOGRAPHIQUES
« On m’a nommé Directeur du Tiers-Ordre. Un très vaste champ d’apostolat… Prie Notre-Seigneur de donner la grâce de la vocation tertiaire et de la ferveur franciscaine à un très grand nombre d’âmes. Il faut un incendie de piété franciscaine… »
C’est ainsi que le jeune Père Marie-Joseph se confiait à sa sœur en 1935. En 1933, ses supérieurs lui avaient demandé d’interrompre ses études d’histoire de l’Église à Toulouse : il est nommé à Bitche en Moselle et c’est là que son ministère de religieux franciscain et de prêtre devait s’épanouir.
Les préparations…
Aloyse Gerber doit à ses parents, tertiaires de Saint François, d’avoir reçu, tout petit, l’amour de l’Ordre Franciscain Séculier (appelé autrefois Tiers-Ordre). Né le 27 février 1907 – au sein d’une famille de douze enfants – dans le village alsacien d’Eckbolsheim, non loin de Strasbourg, il entre à onze ans à l’École Séraphique de Strasbourg-Koenigshoffen, tenue par les frères capucins. Il n’a pas douze ans quand sa mère meurt en 1918, l’ayant encouragé dans la vocation au sacerdoce qui mûrit dans son cœur d’enfant
Il prend l’habit le 14 août 1924 et reçoit le nom de frère Marie-Joseph
En la fête de Saint Joseph, le 19 mars 1932, il est ordonné prêtre :
« Ce n’est pas pour moi-même que Jésus a daigné et voulu me choisir, écrit-il. Mais il a en vue les âmes qu’Il veut aimer, sanctifier et béatifier par moi et en moi ».
Ma Mission …
Tout en exerçant dans le diocèse de Metz un service de confession et de prédication en paroisse, il enseigne l’Histoire de l’Église auprès des jeunes frères du couvent d’études à Bitche. Il lui est demandé également de prendre en charge la petite fraternité tertiaire de Bitche. Mais comment le Père Marie-Joseph pourrait-il se résigner à voir l’Ordre franciscain séculier ne rassembler là que quelques dames âgées ? Il écrira en 1935 : « On m’a nommé Directeur du Tiers-Ordre. Un très vaste champ d’apostolat… Prie Notre-Seigneur de donner la grâce de la vocation tertiaire et de la ferveur franciscaine à un très grand nombre d’âmes. Il faut un incendie de piété franciscaine… ». En quelques années, il crée un groupe de jeunes filles, de dames et d’hommes, et très vite un groupe d’enfants « cordigères ».
Tous s’engageront à vivre l’Évangile à la suite et dans la famille de Saint François. L’appel universel à la sainteté rappelé par le Concile Vatican II, le réjouit profondément : la sainteté doit être le chemin de tout baptisé. « Si vous venez ici, répète-t-il aux jeunes, ce n’est pas pour autre chose que pour la sainteté. C’est cela la grande finalité de la Jeunesse Franciscaine et c’est une immense grâce… »
À un titre tout particulier, il chemine avec Thérèse de l’Enfant-Jésus qui inspira, dès le début, sa direction spirituelle. Il entrevoit son rayonnement universel : « La petite Thérèse est en bonne partie une âme franciscaine (…) Elle sera très probablement déclarée Docteur de l’Église. Voyez cela ! Et qu’est-ce qu’un Docteur de l’Église ? C’est quelqu’un qui a reçu mission d’entraîner par son enseignement les âmes dans le sillage de Dieu, de Jésus »(1992).
Revenu de la « drôle de guerre » (1940), le Père Marie-Joseph est secrétaire à l’évêché, à la disposition du vicaire général de Metz. De 1941 à 1944, il s’expose au danger en exerçant son ministère paroissial, prêchant des retraites, animant clandestinement des cercles d’études, notamment celui de la J.O.C.
A partir de 1945, il revient au couvent de Bitche. Le pays de Bitche est parsemé de ruines. Tout est à refaire. Pour sa part, selon le témoignage de frère Huss, Ofm.cap, le Père Marie-Joseph : « se dévoua totalement pour la cause franciscaine… De 1951 à 1969, il est directeur de la revue « Saint François chez nous ». Il sut entraîner, à sa suite, jeunes et adultes dans la réalisation de projets multiples.
A Castegandolfo, Père Marie-Joseph et l’Abbé BURGUN (ofs) sont reçus en audience par le Pape Pie XII
Signalons d’abord son intérêt pour les Missions. Roger Lehmann, jeune médecin, et son épouse Elisabeth, eurent, sous son inspiration, la grâce de leur vocation missionnaire à Madagascar auprès des lépreux, ainsi que d’autres laïcs qui se mirent au service des Missions. Signalons ensuite son intérêt pour l’éveil des vocations religieuses.
Retenons encore son attention continuelle à la formation franciscaine des adultes et de la Jeunesse Franciscaine. Il a été soucieux de former les jeunes à un amour vrai et fidèle, autant dans le sacrement du mariage que dans le célibat consacré : deux manières de vivre la vocation franciscaine et évangélique au sein du monde ».
Chaque année, randonnées spirituelles, pèlerinages et camps entretiennent la flamme du charisme franciscain dans le cœur des membres de la Fraternité. Dès 1947, il organise un premier grand pèlerinage à Lourdes : une démarche de foi dans la communion des saints. Roger Lehmann en témoigne : «Avec quelle ferveur, le Père nous mène sur les pas de Bernadette jusqu’à la Grotte de Massabielle, Au retour, arrêt à Lyon, visite de Fourvière, des cachots de St Pothin et de Ste Blandine, pour un hommage aux premiers martyrs chrétiens ». Le deuxième grand pèlerinage en 1948 sera pour Rome-Assise. Le Père écrira en 1993 : « Aller à Rome-Assise – grâce exceptionnelle pour nos pèlerins, mais aussi pour ceux qui ne pourront s’y rendre. Il ne s’agit pas d’un beau et pieux voyage… du tourisme pieux… Non, il s’agit de rencontrer de plus près nos frères les Premiers Chrétiens : Pierre et Paul, les martyrs de ce temps et tant d’autres amis de Dieu, témoins de la Foi en Jésus-Christ, Jésus le Fils de Dieu, notre Seigneur et Sauveur. […] Joie de prier sur la tombe de Pierre et de ses successeurs (particulièrement St Pie X et les Papes de ces derniers temps, Pie XII, Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul Ier). Chance extraordinaire d’être confiés à la garde de tels Pasteurs du Troupeau du Christ. Tout chrétien ouvert à la lumière de l’Esprit Saint et en vérité à l’Evangile reconnaît avec joie en eux le Vicaire du Christ, « le très doux Christ sur la terre » (Ste Catherine de Sienne), « la Merveille des Merveilles de Rome » (Ste Thérèse). Puis ce sera Assise, Capitale de l’Amour… »
Appuyé par les encouragements des Papes, le Père explique inlassablement comment la Règle de l’Ordre Franciscain Séculier correspond à la soif de Dieu allumée par l’Esprit Saint dans les cœurs. Il écrit en 1989 : « L’Église vous propose une Règle de vie évangélique qui vous met sur la route de l’Évangile, à l’abri d’interprétations ambiguës de l’Évangile et de l’esprit de Saint François. L’Église vous propose de vous y engager par une Promesse publique : la Sainte Profession, démarche d’amour, magnifique réponse au Dieu-Amour, et qui s’origine dans la grâce et les voeux du Baptême. Tout cela vécu, réalisé progressivement au jour le jour, en communion fraternelle. François, le petit pauvre, toujours fidèle à sa mission propre dans l’Eglise pour le salut du monde, soutient et affermit ses enfants dans leur effort pour une vie d’amour vrai et rayonnant ». Comment vivre l’esprit de cette Règle ? Le Père le précise aux jeunes de cette manière : « dans la foi et l’amour, vie de prière, vie de fidélité au devoir d’état, vie de charité, un certain esprit de pénitence. Un esprit de simplicité et d’humilité… » (1986)
Pèlerinage à Rome avec le pape Jean-Paul II
Roger Lehmann, père Marie-Joseph et René Lejeune
Il éclaire les membres de la fraternité sur les exigences de leur vocation séculière. Il suit avec attention les évènements politiques. Il aide les tertiaires à créer des groupes d’étude et d’approfondissement de la Doctrine sociale de l’Eglise. Le Père mesure les enjeux d’un engagement syndical chrétien et promeut partout où c’est possible une section CFTC. Constatant que la famille est, tous les jours, plus fragilisée, il encourage les membres de la Fraternité à s’investir dans les Centres de Préparation au Mariage, puis, au cours des années 70, à s’engager dans la création des Associations Familiales Catholiques de Moselle, qu’il accompagne de ses conseils et de son soutien spirituel. En ce qui concerne l’amour conjugal, le mariage, le respect de la vie et la famille, le Père ne cesse d’exhorter les familles de la Fraternité à faire confiance aux Papes, à étudier et à approfondir l’Enseignement de l’Eglise. Il encourage, par exemple, les tertiaires à s’investir dans le service de diffusion des Méthodes Naturelle de régulation des naissances créé par les AFC de Moselle. Très vite certains responsables tertiaires des AFC de Moselle sont appelés à prendre des responsabilités nationales au sein du mouvement : le Père est alors conduit à exercer une certaine influence sur les grandes orientations de ce mouvement familial. La rencontre fortuite avec Mgr Majdanski, évêque polonais et avec son Institut d’études supérieures sur le mariage et la Famille à Lomianky (soutenu spirituellement par un « Institut de la Ste Famille ») apparaît au Père comme une lumière pour œuvrer en faveur d’une Europe des familles chrétiennes. Il dira en 1991 : « La famille contemporaine a besoin d’être sauvée et elle ne sera sauvée que par des familles chrétiennes. Et c’est pour cela que nous avons eu cette grande grâce que des familles d’une douzaine de pays d’Europe se soient rencontrées (cela demande des sacrifices, mais cela en vaut la peine) pour lier des liens en profondeur. L’Europe ne sera rien sans les familles. […] Je puis vous féliciter, parce que vous avez trouvé une force secrète dans votre apostolat par la Sainte Famille ». Cet investissement de la Fraternité dans l’apostolat familial a conduit le Père à vivre une connivence et une belle amitié avec le Père François Coudreau, sulpicien très connu dans le champ de la catéchèse, mais aussi ardent défenseur de la famille.
Père Marie-Joseph et Monseigneur Kazimierz Majdanski, archevêque de Szczecin (Pologne)
En digne fils de St François, le Père manifeste une grande proximité avec Marie. Il en rend compte dans l’un de ses films (Fraternité 1976) : « A Ste Marie des Anges, François a eu la décisive clarté de la volonté de Dieu sur lui. La Vierge Marie est au berceau de notre vie en Dieu. Un franciscain est attaché avec une virile tendresse à la Reine Immaculée. Certains lui sont voués d’une manière particulière. D’ailleurs la Fraternité tout entière est consacrée solennellement au Cœur Immaculé et Douloureux de Marie. Marie, sûr chemin vers Jésus, notre Sauveur, notre Dieu, toujours vivant, présent, aimant parmi nous ». Les pèlerinages conduisent souvent la Fraternité dans des hauts-lieux marials : Lourdes, La Salette, Pontmain, la Chapelle de la rue du Bac, Fatima…Le message des apparitions de Notre-Dame à Fatima, pour un apostolat de prière et de conversion évangélique, lui apparaît comme particulièrement important pour les temps que nous vivons. Le Père prend l’initiative, avec l’aide d’un curé voisin, de fonder, dans le Pays de Bitche, un sanctuaire dédié à Notre-Dame de Fatima. Il exhorte les membres de la Fraternité à s’engager dans le mouvement marial diocésain dont l’objet est de promouvoir la dévotion à la Mère de Dieu et, tout spécialement, l’instauration de la célébration des premiers samedis pour répondre à la demande expresse de la Vierge au Portugal. Il se réjouit que la Fraternité soit également présente, et dans l’apostolat familial et dans l’apostolat marial. Il écrit en 1978 : « Le problème missionnaire n’est-il pas vitalement solidaire du problème « apostolat familial » ? Parallèlement aux AFC, l’urgente campagne de prière que mène « l’Appel de Notre-Dame » chaque premier samedi ? Seul un cœur superficiel ose passer à pieds joints sur le Message du Cœur Immaculé tel que l’Eglise l’entend. Dans ces deux entreprises apostoliques, la Fraternité est partie prenante avec ténacité… ».
Le père Marie-Joseph avec Yvonne Chami (Liban)
Le cœur battant au rythme de l’Eglise universelle, face aux changements profonds et douloureux que vivent les Eglises dites « du silence », il appuie les initiatives de l’Aide à l’Eglise en détresse (AED) et rencontre le père Werenfried van Straaten, son fondateur, à Marienthal.
Toujours heureux de la complémentarité des charismes dans l’Église, il entretient des relations avec de nombreuses communautés : l’Institut Notre-Dame de Vie, l’Institut de la Sainte Famille (Pologne) en lien avec Mgr Majdanski, le Foyer de la Sainte Famille à Cotignac en lien avec la Communauté St Jean, le Foyer de tendresse de Anta Akhi au Liban, la Communauté de Tibériade fondée par le frère Marc en Belgique, et tant d’autres
Il encourage un tertiaire de longue date, René Lejeune, auteur de la première biographie de Karl Leisner, à promouvoir la cause de béatification de Robert Schuman, « Père de l’Europe », dont René fut secrétaire privé.
Le père Marie-Joseph fête son Jubilé d’Or de vie religieuse en 1974 et celui de son ordination sacerdotale en 1982.
Nous voudrions achever cette brève évocation de sa vie, en livrant quelques-unes de ses dernières paroles… Puissions-nous en recueillir l’héritage…
« Personnellement, je voudrais chanter le « Nunc dimittis servum ». Mais il y a aussi le « Non recuso laborem » de Saint Martin . L’heure du Nunc dimittis ne semble pas encore venue. Un petit bout de chemin est encore à faire. Et cela dans l’absolue confiance que le Seigneur, dans sa fidélité, ne laissera pas sombrer son oeuvre – la grande et belle Oeuvre de François d’Assise en sa Troisième Institution. Surtout en ces temps difficiles où le « Restaure mon Église » est redevenu un grand Appel du Divin Sauveur »(1992).
Il s’éteint, le 27 juillet 1993 à l’hôpital de Bitche en nous laissant cette parole : « La Providence… »
Messe à l’Institut Notre-Dame de Vie en 1981